UsageRight

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Exemples fictifs d'usage des licences

Bertille est statisticienne. Pour elle, les mathématiques sont synonymes de raisonnement utile et universel. Les méthodes qu'elle produit sont utilisées par la communauté scientifique, en particulier en biologie cellulaire. Depuis quelques temps, elle sent au regard des ravages écologiques actuel une tension dans son métier : cela a-t-il encore un sens de faire des mathématiques éloignées des applications directes quand son milieu est menacé ? Pire, l'environnement est menacé par un mode de production dans lequel elle est, malgré elle, entraînée, car elle sait qu'elle ne maîtrise pas le devenir de ses résultats. Ainsi, en accord avec son employeur, elle a décidé d'apposer une licence UsageRight sur ses programmes : elle a ainsi initié un engagement collectif auprès des institutions, des programmeurs (car la licence est contaminante) et des utilisateurs.

Cédric est programmeur, passionné de logiciel libre. Pour lui, les licences libres sont un vrai progrès pour la création d'un commun, tout son environnement de travail est constitué de logiciels libres. En lisant cet article, il se renseigne sur Coraline Ada Ehmke et reconnaît que la libre circulation ne suffit pas à garantir un usage qui corresponde à ses valeurs. Apposer la licence UsageRight à ses productions ne lui paraît pas juridiquement possible car il utilise des routines publiées sous licence libre. Il entreprend alors de mobiliser la communauté des programmeurs en logiciel libre pour produire des routines protégées par une licence éthique. Cela ne pourra se faire qu'à long terme mais déjà la discussion est lancée, et plusieurs membres de la communauté publient leurs engagements à la redirection écologique pour constituer la communauté productrice. Il se renseigne sur la jurisprudence concernant les usages abusifs de programmes sous licence libre, et monte une association prête à traduire en justice les contrevenants au UsageRight.

Hélène est historienne du XXe siècle, spécialisée dans les mouvements sociaux. Elle ressent de la sympathie pour les mouvements qu'elle étudie, ce qui n'empêche pas une grande honnêteté dans le traitement de leur histoire, car elle a appris à faire à chaque instant la part des choses entre ses inclinaisons et son travail scientifique. Méticuleuse, elle craint souvent la récupération de son travail, via des simplifications, à des fins politiques ou idéologiques. En lisant cet article, elle a envie de protéger son travail contre des usages qu'elle réprouve, sans vraiment trouver son compte dans cette insistance sur la croissance économique, dont elle se sent éloignée. Le danger est surtout pour elle la récupération politique. Pour adapter ces initiatives à sa communauté, elle invente un droit d'usage des travaux historiques, entendus comme un commun non récupérable pas des entités susceptibles de les détourner.

Jérémie est doctorant en biologie moléculaire et travaille sur les génomes. Ce sujet le passionne : il lui semble utile à la meilleure compréhension de nos origines, à la santé publique comme à l'agriculture. Cependant, il pourrait aussi bien, indirectement, alimenter des rapports au monde vivant faits de domination et de contrôle, qui contribuent pour lui aux problèmes environnementaux actuels. La « dualité » des résultats scientifiques le taraude. Peut-on ignorer les retombées qu'on trouve nuisibles au nom de certains progrès ? La licence UsageRight lui paraît le bon instrument à utiliser et fait savoir à son équipe, à ses co-auteurs, à son laboratoire, qu'il aimerait publier un engagement à la redirection écologique et publier tous leurs résultats sous ce régime.

Camille a construit un support de cours en informatique et se demande sous quelle licence le publier. Elle se sent éloignée de ces questions juridiques, mais voudrait bien faire les choses en permettant que son travail soit utilisable dans une large mesure par sa communauté. En revanche elle voudrait en être créditée, car elle a passé beaucoup de temps à ouvrer à ce support. Les licences Creative Commons l'intéressent, car elles sont à la fois permissives, protectrices, modulables. Cependant Camille voudrait, sans interdire l'usage commercial (car elle serait fière d'avoir produit un document valorisable dans le monde économique), limiter cet usage pour le protéger de potentiels abus. Elle ne voudrait pas que son cours serve à la formation dans des grandes entreprises connues pour leurs actions socialement et environnementalement douteuses. Elle utilise le droit d'usage pour expliciter cette ambivalence et protéger sa production.